Victor Hugo est
né à Besançon le 26 février 1802. Fils d'un général de Napoléon, il
suivit d'abord son père dans le hasard des expéditions et des campagnes, en
Italie, en Espagne, où il fut page du roi Joseph et élève
au séminaire des nobles de Madrid. Vers l'age de onze ans, il vint
s'établir avec sa mère, séparée à cette
époque du général, à
Victor Hugo jeune,,
dessin
d'Adèle Foucher,
la future
Madame Hugo.
Couronné deux fois par cette société littéraire, nommé par elle maitre ès jeux floraux en1820, distingué par l'Académie française en 1817, à l'age de quinze ans, pour une pièce sur les Avantages de l'étude, s'essayant à une tragédie (Irtamène dont on trouve quelques fragments dans Littérature et Philosophie mêlees), il comprit que sa vocation était toute littéraire, abandonna les mathématiques, et lança en 1822 les Odes. Il obtint une pension de 2 000 francs de Louis XVIII, peut-être pour son livre, peut-être pour un trait de générosité dont le Roi fut touché ; il se maria (1822), et ne songea plus qu'à marcher sur les traces de Lamartine, qui était l'idole du jour.
Journaux (Le Conservateur littéraire), romans (Bug-Jargal, Han d'Islande), théatre (Amy Robsart avec Ancelot, à l'Odéon, chute), vers (Ballades et nouveaux recueils d'Odes) l'occupent jusqu'en 1827. A cette date, il donne Cromwell, grand drame en vers (non joué), avec une préface qui est un manifeste. En 1828 il écrit Marion de Lorme, drame en vers, qui est interdit par la censure, en 1829 les Orientales, en 1830 Hernani, joué à la Comédie française, acclamé par la jeunesse littéraire du temps, peu goûté du public.
La Révolution de 1830 donne la liberté à Marion de Lorme, qui est jouée à la Porte Saint-Martin avec un assez grand succès.
Dès lors Victor Hugo se multiplie en créations. Les recueils de vers et les drames se succèdent rapidement. En librairie, c'est Notre-Dame de Paris, roman (1831), Littérature et philosophie mêlées (1834), Feuilles d'automne, poésies (1831), Chants du crépuscule, poésies (1835), Voix intérieures, poésies (1837), Rayons et Ombres, poésies (1840), Le Rhin, impressions de voyage (1842). - Au théatre, c'est Le Roi s'amuse, en vers (1839), représenté une fois, puis interdit sous prétexte d'allusion politique, Lucrèce Borgia, en prose (1833), Marie Tudor, en prose (1833), Angelo, en prose (1835), Ruy Blas, en vers (1838), les Burgraves, en vers (1843).
Victor Hugo en 1829,
par
Devéria
En 1841 il avait
été élu de l'Académie française,
après un premier échec. En 1845 il fut nommé pair de
France. En 1848 il fut élu député de Paris à
l'Assemblée Constituante, fonda le journal l'Evénement pour
préparer sa candidature à la Présidence de la
République, et devint un personnage politique. A la Constituante, il
siégea parmi la droite et vota ordinairement avec elle.
Peu soutenu
dans sa candidature à la Présidence, mais réélu
député de Paris, il siégea à gauche à l'Assemblée
législative, se marqua énergiquement comme anti-clérical
(Loi sur l'enseignement) et inclina peu à peu vers le groupe socialiste.
F.-J.
Heim (1787-1865),
Victor Hugo
vers 1845,
Musée
Carnavalet, Paris.
Au 2 décembre 1851 il se mêla au
mouvement de résistance, et dut prendre la route de l'exil.
Il se retira en Belgique, puis à Jersey, puis à Guernesey, refusa de bénéficier des amnisties, et ne rentra en France qu'en 1870. Pendant son séjour à l'étranger, il publia Napoléon le Petit, et écrivit l'Histoire d'un crime pamphlets politiques en prose, Les Chatiments (1853), satires en vers contre les hommes de l'Empire, Les Contemplations, poésies (1856), la première Légende des Siècles (1859), Les Misérables, roman (1862), William Shakespeare, étude critique (1864), Les Travailleurs de la mer, roman (1866), Les Chansons des rues et des bois, poésies (1865), etc.
Victor Hugo,
photographié
par E. Bacot,
au cours de
l'exil (détail).
Revenu à
Il avait
été nommé sénateur par le collège
électoral de
Victor Hugo en 1882,
par Bastien
Lepage
Il mourut le 22 mai 1882,
« dans la saison des roses », comme il l'avait prédit quinze
années auparavant, à l'age de 83 ans, comme Goethe. Son
corps fut déposé au Panthéon, après les funérailles
les plus magnifiques que la
D'après Émile Faguet, Dix-Neuvième siècle Études littéraires
L'homme est, moralement, est assez médiocre : immensément vaniteux, toujours quêtant l'admiration du monde, toujours occupé de l'effet, et capable de toutes les petitesses pour se grandir, n'ayant ni crainte ni sens du ridicule, rancunier impitoyablement contre tous ceux qui ont une fois piqué son moi superbe et bouffi, point homme du monde, malgré cette politesse méticuleuse qui fut une de ses affectations, grand artiste avec une ame très bourgeoise, laborieux, rangé, serré, peuple surtout par une certaine grossièreté de tempérament, par l'épaisse jovialité et par la colère brutale, charmé du calembour et débordant en injures : nature, somme toute, vulgaire et forte, où l'égoïsme intempérant domine.
V. Hugo est peu sensible. Il a la sensibilité des orgueilleux, cette irritabilité du moi hypertrophié que tous ses ennemis ont sentie. Il n'est pas tendre : quand il parle d'amour pour son compte personnel, il mêle un peu de sensualité très matérielle à la galanterie mièvre, à la rhétorique éclatante : il ne s'aliène pas assez pour connaitre les grandes passions ; de sa hauteur de poète pensif, il se plait trop à regarder l'amour de la femme ' comme un chien à ses pieds '. Ce qu'il y a de meilleur en lui, c'est sa capacité des joies de la famille, son affection de père ou grand-père. Il a dit avec un accent pénétrant la douceur intime du foyer, la séduction ingénue des enfants. Il y a bien de l'ostentation, de la puérilité dans l'Art d'être grand-père ; ce grand-père exerce sa fonction comme un pontificat, avec une niaiserie solennelle qui dégoûte. Mais, dans les Feuilles d'automne et les premiers recueils, avec quelle simplicité charmante il parle des enfants ! Surtout, lorsqu'il eut perdu en 1843 sa fille et son gendre, nouveau-mariés, qui se noyèrent à Villequier, il dit son désespoir, ses souvenirs douloureux, ses appels au Dieu juste, au Dieu bon en qui il crut toujours, dans un livre des Contemplations, où la perfection du travail artistique n'enlève rien à la sincérité poignante du sentiment.
Il n'est que juste aussi, je crois, d'ajouter que l'amour collectif de l'humanité, des humbles, des misérables, fut très réel chez V. Hugo. Parce qu'il donna à cette passion des expressions parfois bizarres et déraisonnables, parce que surtout elle servit fortement à son apothéose et qu'il l'exploita certainement pour sa popularité, il ne faut pas méconnaitre le vif sentiment de pitié sociale qui est antérieur en lui à sa conversion politique.
La sensibilité de V. Hugo est donc assez limitée, et presque toujours contenue, dirigée, refroidie par la préoccupation d'agrandir son personnage. En revanche, il a une puissance illimitée de sensation, une acuité rare des sens, et particulièrement du sens de la vue. Sa vision est une des plus nettes qui se soient jamais rencontrées chez un poète ; son œil garde à la fois le détail et l'ensemble des choses. Il voit moins les couleurs que les reliefs ; il est sensible surtout aux oppositions de l'ombre et de la lumière, qui lui fournissent l'antithèse fondamentale de sa poésie.
Je ne sens pas qu'il soit uni par une sympathie morale à cette nature extérieure dont il reçoit si fortement toutes les valeurs : nul autre lien entre elle et lui que la sensation physique. De là, l'usage qu'il en fait. Les simples tableaux, les paysages à la plume d'après nature, sont beaux, mais assez rares dans son œuvre. Il se fait de la nature un vaste magasin d'images, où sa pensée se fournit tantôt de thèmes à variations verbales pour l'exercice de sa prodigieuse invention, tantôt de formes à vêtir les idées; et c'est parce que nulle affection permanente de son ame n'est engagée dans sa perception du monde extérieur qu'il dispose si librement de toutes ses sensations pour les transformer en métaphores ou en symboles au service de ses conceptions intellectuelles.
Mais quelle intelligence a-t-il ? Hélas ! il faut avouer que ce très grand poète est incapable de définir et de raisonner. Il lache d'énormes contresens quand il veut faire le critique, d'énormes contradictions quand il veut faire le théoricien. Ses idées littéraires sont vagues et troubles. Ses idées philosophiques, politiques, sociales, son déisme, son républicanisme, son ' démocratisme ', sont des idées moyennes, sans originalité, tout à fait imprécises et médiocrement cohérentes.
Impuissant à penser, il a le respect, la religion de la pensée : il a l'ambition d'être un penseur. N'est-ce pas un devoir du poète, d'être l'instructeur des peuples, le ' phare ' de l'humanité ? Et c'est un spectacle à la fois comique et touchant de voir ce primitif s'appliquer à penser, manier laborieusement, gauchement, fièrement, des doctrines, dont il n'embrasse que les mots. Plus il entasse ou gonfle ses métaphores, plus il s'imagine élever ses idées, et il s'est attiré de Veuillot par certaines méditations délirantes le mot cruel que l'on sait : Jocrisse à Pathmos.
Mais ce mot est injuste : prenons garde d'aller trop loin. V. Hugo n'a pas d'idées originales : il n'en sera que plus apte à représenter pour la postérité certains courants généraux de notre opinion contemporaine. Il n'a pas d'idées claires : c'est un poète, non pas un philosophe. Son affaire n'est pas d'apporter des formules exactes, des solutions sûres. Il suffit qu'il tienne la curiosité en éveil sur de grands problèmes, qu'il entretienne des doutes, des inquiétudes, des désirs. Une idée abstraitement insuffisante peut déterminer un sentiment efficace. Et voilà par où l'œuvre de V. Hugo est excellente et supérieure : à défaut d'idées nettes, il a des tendances énergiques, et il agite en nous certaines angoisses sociales et métaphysiques. Dieu, l'inconnaissable, l'humanité, le mal dans le monde, la misère et le vice, le devoir, le progrès, l'instruction et la pitié comme moyens du progrès, voilà quelques idées centrales que V. Hugo ne définit pas, ne démontre pas, mais qui sont comme des noyaux autour desquels s'agrègent toutes ses sensations. Ces idées hantent son cerveau : il ne les critique pas, il s'en grise. Elles lui dictent des hymnes admirables de mouvement et d'ampleur, discours imprécis sans doute, mais visions improvisées et lucides d'un idéal obsédant : Ibo, les Mages, Ce que dit la bouche d'ombre. Et cela ne vaut-il pas mieux, après tout, que d'avoir dit éternellement Sarah la baigneuse ou le pied nu de Rose ? N'est-ce pas en somme de là que la poésie de V. Hugo, dans l'égale perfection de la forme, tire sa plus haute valeur ? Et où trouvera-t-on, si ce n'est chez lui, l'expression littéraire de l'ame confuse et généreuse de la démocratie française dans la seconde moitié du XIXe siècle ? Par sa philosophie sociale, le lyrisme de V. Hugo devient largement représentatif.
Il faut nous défaire pour juger ses idées de toutes nos habitudes d'abstraction et d'analyse. Impropre à la pensée pure et à la logique idéale, il a philosophé avec sa faculté dominante, à grands coups d'imagination. Mais par là même il a moins gaté les idées que s'il avait essayé de les versifier en philosophe : il a évité la sécheresse de la poésie raisonnablement didactique. Des doctrines, il ne garde que quelques mots, les mots essentiels dont chacun en gros connait le sens, où chacun peut mettre toute la richesse de sa pensée personnelle : et à ces mots il associe des images que la nature lui fournit.
V. Hugo ne pense que par images : l'idée, ramassée en un seul mot, lui apparait liée à une forme sensible, qui la manifeste ou la représente, qui par ses affinités propres en détermine les relations, en sorte que les associations d'images dirigent le développement de la pensée.
Une chose vue éveille l'idée qui sommeillait en lui, ou l'idée inquiète se projette dans l'objet qui frappe ses yeux. Dès lors le poète est délivré de l'embarras des opérations intellectuelles : il a fait passer dans sa sensation son idéal ou sa doctrine ; il n'a que faire d'analyser; il n'a qu'à utiliser son admirable mémoire des formes, et ce don qu'il a de les agrandir, déformer ou combiner sans les détacher de leur soutien réel, le don aussi de suggestion qui lui fait trouver des passages inconnus entre les apparences les plus éloignées. Ainsi la pensée devient hallucination, le raisonnement description : au lieu d'un philosophe nous avons un visionnaire. Mais, ainsi, les propriétés intellectuelles des idées restent intactes, et les formes que déploie le poète sont éminemment réceptives : le lecteur, selon sa puissance d'esprit, remplit ses symboles, aptes à contenir tout ce que le poète n'a pas pensé.
En réalité, V. Hugo a les gaucheries et les spontanéités de l'humanité primitive : sa raison obscure, troublée de mille problèmes, qu'elle ne peut résoudre ni manier en leur abstraction, les pose en images concrètes : il crée des mythes. Ce que les races lointaines ont fait dans les temps qui précèdent l'histoire, V. Hugo, au siècle de Comte et de Darwin, le répète avec aisance : le mythe est la forme essentielle de son intelligence. Sa volonté candide de penser ne laisse dans la nature aucun phénomène où il n'aperçoive la transcription sensible de quelque redoutable énigme ou d'une auguste vérité : toute sensation tend à devenir symbole, tout symbole à se développer en mythe. Absolument dénué du sens psychologique, il ne peut voir l'individu : un pauvre qu'il rencontre devient tout de suite le pauvre. Toute métaphore dans une telle organisation évolue, s'organise, s'étend ; l'objet propre ou l'idée première reculent; et naïvement, spontanément il retrouve, dans ce patre promontoire qui garde les moutons sinistres de la mer, la forme d'imagination qui, sur les côtes tourmentées de la Sicile, avait animé l'informe Polyphéme et la blanche Galatée.
Celte faculté fait que V. Hugo, le plus lyrique des romantiques, est aussi le plus objectif. Par ces aspirations au progrès, par ces revendications sociales, par ces élans de bonté, de pitié, de foi ou de colère démocratiques, sa poésie prend un autre objet que le moi. Elle exprime les émotions d'un homme, mais des émotions d'ordre universel. Cela donne à son œuvre un air de grandeur et de noblesse qu'il serait injuste de méconnaitre.
Il y a bien des violences, et des plus grossières dans les Chatiments : mais comme le sujet efface ou atténue les petitesses de l'auteur ! on oroit entendre les clameurs d'un Isaïe ou d'un Ezéchiel : protestation du droit contre la force, affirmation de la justice contre la violence, espérance superbe de la conscience qui, blessée du présent, s'assure de l'éternité. Les plus belles pièces sont les plus impersonnelles, les plus largement symboliques.
La Légende des siècles traduit dans une forme objective et mythique la même conception humanitaire et démocratique dont les deux derniers livres des Contemplations par leurs fougueuses apocalypses, donnaient l'expression lyrique.
On a parlé d'épopée à propos de la Légende des siècles : il faut s'entendre. Ces épopées n'ont rien de commun avec l'Iliade ou l'Éneide : il faudrait les comparer plutôt à la Divine Comédie ; la forme épique enveloppe une ame lyrique. Une idée philosophique et sociale soutient chaque poème : ici affirmation de Dieu ou de la justice, là dévotion au peuple, haine du roi et du prêtre. Le recueil, complété par deux publications postérieures, forme comme une revue de l'histoire de l'humanité, saisie en ses principales (ou soi-disant telles) époques ; c'est une suite de larges tableaux ou de drames pathétiques, où s'expriment les croyances morales du poète. Toutes ces épopées symboliques, non historiques, sont réellement des mythes, où les formes de la réalité, imaginée ou vue, ancienne ou contemporaine, s'ordonnent en visions grandioses et fantastiques. La précision pittoresque de certaines descriptions ne doit pas nous faire illusion : la plus simple, la plus vraie, la plus réaliste, est toujours une ' légende florale ', le sujet apparent n'étant que l'équivalent concret du sujet fondamental.
V. Hugo, évidemment, a manqué de mesure, comme il a manqué d'esprit : visant toujours au grand, il a pris l'énorme pour le sublime, et il a été extravagant avec sérénité. Mais, hormis ce vice essentiel de son tempérament, il a été l'artiste le plus conscient, le plus sûr de lui. Il n'a pas toujours voulu sainement : il a toujours fait ce qu'il a voulu; son exécution n'a jamais trahi sa conception.
Cette maitrise se marque bien dans la composition de ses poèmes. Regardons les Chatiments : évidemment la table des matières est un trompe-l'oeil. En donnant des titres à ses sept livres, comme il les donne, le poète veut nous faire croire à un ordre intelligible, qui s'évanouit dès qu'on feuillette le recueil. Il n'y a pas là de critique méthodique du programme politique et social de l'Empire : et c'est tant mieux. Mais laissons les formules qu'il attache comme des étiquettes sur chaque paquet de satires. La composition poétique est admirable. Le mélange des formes lyriques et narratives, des apostrophes directes et des symboles objectifs, la variété des tons et des rythmes préviennent le dégoût ou la fatigue du lecteur : avec quel art, parmi tant d'invectives virulentes, développe-t-il le vaste poème de l'Expiation ! avec quel art jette-t-il, au milieu des tableaux de meurtre, de persécution et de servitude, comme de larges taches de nature, claires dans cette ombre, et gaies dans cette horreur ! Comme il nous repose adroitement du Deux-Décembre tant de fois maudit par la vision sereine de Jersey, par la vision grandiose du désert !
L'antithèse est le principe de la forme de V. Hugo, dans la composition d'un recueil ou d'un poème comme dans le détail du style. Il aime à dresser l'une contre l'autre deux parties symétriques, contraires de sens ou de couleur. Une scène réaliste se termine en hallucination fantastique : un fait familier, trivial, s'élargit en symbole de l'infini ou de l'incompréhensible. Tout s'équilibre, et l'on sent partout une volonté consciente qui a déterminé les relations et les proportions des parties.
Même sûreté dans le maniement de la langue. V. Hugo a l'un des plus riches vocabulaires dont poète ait usé. Aucun mot technique ne l'effraie. Il aime les mots étranges, inconnus, pour les effets d'harmonie qu'on en peut tirer. Il sent le mot comme son, d'abord; et de là son goût pour les noms propres, qui, avec un minimum irréductible de sens, font tout leur effet par leurs propriétés sensibles, par la sensation auditive qu'ils procurent. De là ces énumérations écrasantes dont il nous étourdit : sa vanité, de plus, s'y délecte dans une apparence de science qui produit l'impression d'un monstrueux pédantisme.
Toutes les valeurs, toutes les associations, toutes les combinaisons des mots lui sont connues. Il a la phrase tantôt plastique et nettement élégante, tantôt robustement sentencieuse et ramassée. Mais sa forme originale, c'est la métaphore continue. Seulement la métaphore chez lui n'est pas un procédé d'écrivain laborieux, c'est, comme je l'ai dit, l'allure spontanée de la penseé. Aussi, dès qu'il est maitre du moins de son talent, la métaphore n'est-elle jamais banale chez lui : toujours rafraichie à sa source, renouvelée par une sensation directe, elle peut être bizarre, ridicule, elle est toujours vraie et naturelle.
S'étant fait une loi rigoureuse de la propriété, de la particularité des termes, possédant le plus riche vocabulaire d'expressions locales et pittoresques, V. Hugo fait une dépense curieuse des adjectifs emphatiques, à sens indéterminé : étrange, horrible, effrayant, sombre, etc. Il les mêle aux mots techniques : c'est un moyen d'agrandir la réalité, de développer des images finies en symboles fantastiques. Il exécute cette opération avec une incontestable sûreté de main.
Je signalerai encore un autre procédé qui s'étale dans les trois recueils donnés après 1850 : c'est l'emploi du substantif en apposition : la marmite budget, le bœuf peuple, le patre promontoire, etc. Ordinairement respectueux de la langue, V. Hugo s'est obstiné pourtant dans cette tentative : c'est qu'elle répond à la constitution intime de son génie. Cette construction supprime le signe de comparaison, elle établit l'équivalence, l'identité des deux objets dont l'un va prendre la place de l'autre dans l'imagination et la phrase du poète. Cette opération verbale est le principe même de la création mythique.
Enfin, la puissance d'invention rythmique de V. Hugo apparaitra aussi dans les trois recueils : on y verra comment les mots sonores se groupent en vers expressifs, avec quelle science la distribution des coupes dans le vers, l'ordonnance des strophes ou des parties dans la pièce règlent le mouvement, selon la nature du sentiment ou de la pensée, avec quelle justesse se fait presque toujours l'adaptation à une certaine structure métrique au caractère du sujet. Il faudrait trop d'exemples pour mettre en lumière cette partie du génie de V. Hugo, et je ne puis ici que l'indiquer. On devra étudier la première Légende des Siècles presque vers par vers, pour comprendre la délicatesse, la puissance et la variété des effets que le poète fait rendre à toutes les formes de vers, et particulièrement à l'alexandrin : c'est là qu'on devra chercher, en leur perfection, les types variés du vers romantique.
Gustave Lanson, Histoire de la Littérature française, Hachette, Paris 1903
Travaux à la Maison de Victor Hugo
20 août - 19 janvier 2002 Commencés au mois d'août, les travaux de
réaménagement de l'accueil du musée devraient s'achever
à la mi-janvier 2002.
Ainsi, 100 ans après sa création, la Maison de Victor Hugo
abordera avec de nouveaux espaces la programmation spécialement
élaborée pour le bicentenaire du poète :
'Voir
des étoiles'
Le théatre de Victor Hugo mis en scène
11 avril - 28 juillet 2002
Pour la
célébration du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, la
Maison où il vécut, de 1832 à 1848, consacrera une
importante exposition à son œuvre de dramaturge.
Organisée en partenariat avec la Bibliothèque nationale de
France, et la Comédie Française, cette exposition, riche de ces
fonds prestigieux, s'ancrera dans l'œuvre de l'écrivain et dans son
contexte historique. Elle cherchera aussi à mettre en évidence la
profonde individualité de l'écriture théatrale de Victor
Hugo à travers les représentations les plus marquantes qui en ont
été données.
Balayant deux siècles, elle sera le terrain d'un premier bilan sur le
positionnement de l'œuvre face à l'évolution du regard
artistique et du contexte sociologique, faisant par là même la
démonstration de ses éléments de modernité et
d'actualité.
Aubes
Rêveries au bord de Victor Hugo
Carte blanche à Harald Szeemann
17 octobre 2002 - 26 janvier 2003
Pour cette manifestation, la
Maison de Victor Hugo donnera carte blanche à Harald Szeemann, historien
d'art internationalement connu et reconnu, qui mettra en relation des dessins
de Victor Hugo avec des œuvres d'artistes du XXème siècle.
Cette exposition se veut le prolongement de l'exposition de l'automne 2000
« du chaos dans le pinceau. », Victor Hugo, dessins en
montrant, cette fois par confrontation d'œuvres, l'influence que Victor
Hugo plasticien a exercée sur les artistes du XXème
siècle, ceci, de façon consciente ou inconsciente.
La Maison de Victor Hugo
Victor Hugo vécut au deuxième étage de l'hôtel Rohan-Guéménée de 1832 à 1848. C'est là qu'il recevait Vigny, Lamartine, Béranger, Sainte-Beuve, Dumas, Mérimée, les Devéria, Nanteuil, David d'Angers et écrivit quelques unes de ses oeuvres majeures (Marie Tudor, Ruy Blas, Les Burgraves, Les Chants du Crépuscule, Les Voix intérieures, Les Rayons et les Ombres), une grande partie des Misérables et entreprit La Légende des siècles et Les Contemporains.
C'est en 1902, année du centenaire de sa naissance, qu'à l'initiative de Paul Meurice put être crée le musée, grace au don que cet ami fidèle faisait à la Ville de Paris d'un fond de dessin, livres et objets complété de commandes à de nombreux artistes contemporains. L'inauguration eut lieu le 30 juin 1903.
Au deuxième étage, la visite de l'appartement s'organise suivant les trois grandes étapes qui selon Victor Hugo articulaient sa vie: Avant l'exil, l'exil, Depuis l'exil, la dispersion du mobilier du poète proscrit lors de la vente aux enchères de 1852 et les multiples transformations que connut l'appartement après le départ de la famille en ayant empêché le reconstitution fidèle.
Les dessins
de
Victor Hugo
Je n'ai pas trouvé chez les exposants du
Salon la magnifique imagination qui coule dans les dessins de Victor Hugo comme
le mystère dans le ciel.
Je parle de ses dessins à l'encre de chine, car il est trop
évident qu'en poésie, notre poète est le roi des
paysagistes'
Charles Beaudelaire