PASTEUR, UNE SCIENCE, UN STYLE, UN SIÈCLE
Bruno Latour
Voici un siècle disparaissait Louis Pasteur. Ses découvertes bouleversaient fondamentalement la connaissance scientifique et effaçaient les peurs ancestrales éprouvées face aux fléaux épidémiques.
Extrait de la 4e de couverture
Cent ans après
sa mort, Louis Pasteur continue de susciter la même admiration qu'au jour de
ses funérailles nationales où l'on parlait, sans hésiter, du «siècle de
Pasteur». Par l'image et par le texte, cet album s'efforce de renouveler notre
regard sur Pasteur et de découvrir d'autres raisons, plus inattendues et plus
profondes, d'admirer ses découvertes. Le vinaigre la bière, le lait, les vers à
soie, les cristaux, les chiens enragés, les moutons, les porcs, les enfants mordus,
les femmes en couches, les égouts, l'eau, l'air, le feu, toute la France semble
passer, à un moment ou à un autre, par son laboratoire. Au lieu de séparer son
oeuvre scientifique du reste de sa vie et de l'époque où elle s'inscrivait, cet
album suit les liens multiples que Pasteur a lui-même établis entre ses travaux
et les intérêts de ceux qui en suivaient les péripéties, parfois jour après
jour. Le retour dans nos pays riches des épidémies mortelles, comme le sida ou
la tuberculose, nous permet de mieux comprendre l'originalité de Pasteur, ce
chimiste devenu médecin malgré lui, ainsi que les hésitations de ceux qui se
battaient à ses côtés.
Cet ouvrage raconte une autre histoire que celle de la Lumière de la raison en
lutte contre l'Obscurité des préjugés. Il met en scène l'épopée d'un
laboratoire plongé dans un siècle. Dans un style vif et imagé, il veut faire
comprendre au grand public intéressé par Pasteur à la fois une science, un
homme d'exception et une époque. L'auteur, professeur à l'École nationale
supérieure des mines de Paris, s'est spécialisé depuis vingt ans dans les
rapports de la science avec le reste de la culture. Il a écrit de nombreux
ouvrages. L'un d'eux, Aramis ou l'amour des techniques, a reçu en 1992 le prix
Roberval grand public.
PASTEUR
Maurice Vallery-Raddot
Éditions Perrin
Préface du Professeur Luc MONTAGNIER
En cette année 1995, le monde entier rend hommage à la mémoire de Louis Pasteur à l'occasion du centième anniversaire de sa mort Cérémonies officielles, colloques scientifiques, expositions se déroulent sous toutes les latitudes - Journaux et revues, films et émissions télévisées reprennent l'évocation de l'épopée pasteurienne, s'attachant à faire revivre la personnalité du savant dont l'armure reste intacte, malgré quelques inévitables appréciations divergeantes quant aux comportements de l'homme. Pour en savoir plus, les éditeurs nous ont doté en librairie d'ouvrages écrits ou réécrits en cette année Pasteur. De grande qualité pour la plupart, ils méritent d'être lus et relus. Parmi eux, un précédent ouvrage publié par Maurice Vallery-Radot en 1985 aux éditions Favre «Un génie au service de l'homme» est repris et complété par l'auteur, sous le seul titre de Pasteur, aux éditions Perrin. Préfacée par le Professeur Luc Montagnier, la nouvelle biographie, réécrite par le petit neveu de la fille de Pasteur, Conseiller d'État et ami bienveillant de notre association d'anciens élèves. a bénéficié lors de sa rédaction de conseils de notre collègue Bernard Vacher.
Précédé d'un
sommaire détaillé qui donne à l'ouvrage un accès facile à des chapitres
parfaitement orientés. Le livre ne se lit pas obligatoirement d'une seule
traite et permet d'aborder toutes les faces de la personnalité de Pasteur et de
son oeuvre.
Si le cheminement des travaux du savant est bien connu et fait l'objet de
nombreux rappels dans les discours et propos tenus en cette année Pasteur, il
faut savoir gré à l'auteur d'avoir fait place aux précurseurs, savants
chimistes, médecins et vétérinaires d'avant garde qui ont conforté dans son
élan le savant révolutionnaire. On me pardonnera d'avoir retenu tout
particulièrement la qualité des rapports de J.A. Villemin «ce grand médecin
militaire» et de Pasteur pour des raisons de science et d'amitié.
Il est tout aussi intéressant de prendre part à la fondation et au financement
de l'Institut Pasteur. Les rapports du savant avec l'argent ont peut-être
marqué ceux qui devaient prendre sa relève.
Mais à nos yeux, le nouvel ouvrage de Maurice Vallery-Radot brosse plus et
mieux encore un portrait intime du savant éclairant d'un jour nouveau certains
aspects de ses comportements. Une enfance et une jeunesse édifiantes nous ont
toujours préparés à retrouver un homme («trop parfait, trop patriote, trop bon
chrétien, trop bon mari, grand père à la barbe fleurie» qui est celui de
précédentes biographies. Les retouches apportées à partir de documents intimes
et familiaux préservent la statue du savant qui reste un homme patriarche
autoritaire mais soucieux de l'avis du conseil de famille, travailleur acharné
consacrant plus de quinze heures par jour à son laboratoire, s'imposant une
existence cénobitique, secret, peu causant, timide et isolé. Une seule
confidente est sûre à ses yeux, Madame Pasteur.
D'une grande tendresse, Pasteur aimait les enfants, non seulement les siens
mais tous ceux qui ont traversé sa route. Angoissé, d'une grande franchise et
d'une grande sensibilité, il était capable de colères qu'il regrettait vite.
Handicapé, hémiplégique à 46 ans, quelques aspects abrupts nous rendent le
caractère de l'homme plus humain.
Modeste dans la vie privée, il l'est un peu moins dans la vie publique. «Sans
aller au devant des honneurs, il les reçoit avec une satisfaction non déguisée
et jamais il ne détourne l'encens qu'on lui destine».
Deux chapitres consacrés à Pasteur Citoyen conservateur et au «Croyant»
apportent aussi un éclairage intime sur l'homme, souvent présenté comme le
saint laïc de la 3e République.
En fait, pour Maurice Vallery-Radot, le Savant était un citoyen résolument
conservateur qui a su évoluer en fonction des données politiques du moment,
marqué par le culte napoléonien insufflé par son père, attaché à l'ordre du
Second Empire mais qui a su accueillir avec enthousiasme la 2e République et
s'accommoder de la 3e. Une petite touche d'opportunisme n'est-elle pas à la
mesure de bien des hommes.
Nous découvrons aussi avec le biographe familial un homme encore plus pudique
quant à ses sentiments religieux que pour ses options politiques.
Élevé dans la tradition chrétienne, Pasteur fut en fait un étudiant pieux qui
abandonne vers 2û ans la pratique religieuse, mais se révèle auprès de son
épouse profondément croyante, un père de famille attentif à l'éducation
chrétienne de ses enfants. S'il ne fréquente pas régulièrement l'église, il ne
se borne pas à prier lorsque la mort visite sa famille, et il entretient des
contacts avec des prêtres qui l'aideront à retrouver la voie des sacrements.
Après la mort du savant, on a reproché à sa famille une trop grande discrétion
sur les positions religieuses du défunt, mais peut-être l'époque préférait-elle
l'image du grand Saint laïc. Pasteur croyait en Dieu, il avait osé le dire, la
République l'avait absous.
Biographie de Louis Pasteur (1822-1895)
: 27 décembre : naissance de Louis Pasteur à Dole (Jura)
1840 : Reçu bachelier ès lettres à Besançon. Maitre d'études au Collège de Besançon
: Pasteur est fait Chevalier de l'ordre impérial de la Légion d'Honneur. Il reçoit le prix de la Société de Pharmacie de Paris pour la synthèse de l'acide racémique.
Note sur la découverte de la transformation de l 'acide tartrique en acide racémique, Découverte de l'acide tartrique inactif
: Prélèvements d'air à Arbois pour 'étude du problème des générations dites 'spontanées'. Examen de la doctrine des générations dites 'spontanées'
: 28 septembre. Mort de Pasteur à Villeneuve-l'Étang.
Tout s'enchaine dans l'oeuvre de Pasteur, depuis les travaux sur la cristallographie jusqu'à la découverte des virus-vaccins et à la prophylaxie de la rage.
L'origine de l'oeuvre de Pasteur est la lecture d'une note d'un physicien allemand, Mitscherlich. Celui-ci avait constaté que deux corps chimiques, le paratartrate et le tartrate de soude et d'ammoniaque, ont la même constitution chimique et la même forme cristalline et qu'ils ont cependant une action différente sur la lumière polarisée. Pasteur va chercher à en découvrir la cause.
1855/1857
: travaux sur les fermentations
C'est en observant des cristaux de paratartrate que Pasteur avait découvert la dissymétrie moléculaire et c'est également en examinant une solution d'acide paratartrique qu'il s'était aperçu que, sous l'effet d'une moisissure, cet acide avait fermenté et qu'il s'était dissocié : on ne trouvait plus dans le liquide fermenté que l'acide tartrique gauche, l'acide tartrique droit avait été décomposé 'desassemble'. Ainsi, une substance inactive sur la lumière polarisée (acide paratartrique) était devenue active (acide tartrique gauche) sous l'influence d'une fermentation
Donc, puisque toute substance active provient de la nature vivante, la fermentation au lieu d'être une oeuvre de mort, telle que le croyait le chimiste Liebig, est une oeuvre de vie puisque seule la vie est génératrice de substances actives sur la lumière polarisée. C'est le premier chainon qui le mènera, par une suite logique de ses études, de la dissymétrie moléculaire aux fermentations puis aux maladies contagieuses.
C'est l'origine de toute la technique
microbiologique
En étudiant le mécanisme des fermentations qui l'a conduit à affirmer le rôle et la spécificité d'action des micro-organismes, Pasteur a fait une oeuvre de chimiste-biologiste.
De 40 à 55 ans, Pasteur devient un biologiste. Il élabore la théorie des germes et anéantit la doctrine de la génération spontanée.
A la suite de ses premières découvertes, il se demande d'où proviennent les micro-organismes, agents de la fermentation. Naissent-ils de germes semblables à eux ou apparaissent-ils spontanément dans les milieux fermentescibles ? C'était toute la question de la génération spontanée qui se posait. Pasteur, après des luttes mémorables contre ses contradicteurs (Pouchet), pouvait affirmer, par les expériences les plus variées, dans son mémoire de 1862, que :
les poussières de l'atmosphère renferment des germes d'organismes 'inférieurs', toujours prêts à se développer et à se multiplier;
les liquides les plus putrescibles restent inaltérés si on a la précaution de les mettre à l'abri du contact de ces germes.
'La génération spontanée est une chimère' (Pasteur)
Il
se demande ensuite comment s'opèrent les fermentations, comment agissent les
ferments.
Il découvre une nouvelle classe d'êtres vivants, capables de vivre à l'abri de
l'air, en étudiant la fermentation butyrique. Il propose le terme de
'anaérobie' pour le ferment qui a la propriété de vivre sans air, le
terme 'aérobie' étant donné au micro-organisme qui exige la présence
de l'oxygène libre pour se développer.
La fermentation est la conséquence de la vie sans air
Les travaux sur les fermentations amènent Pasteur à appliquer la méthode microbiologiste à l'industrie et à l'agriculture.
Il étudie la formation du vinaigre et la transformation de l'alcool en acide acétique par un micro-organisme, le Mycoderma aceti, qui fixe l'oxygène de l'air sur l'alcool. Il montre aux vinaigriers comment obtenir un vinaigre d'une qualité constante.
- Les maladies du vin
En étudiant les ferments parasites de cette boisson, Pasteur
démontre que chaque maladie est due à un ferment particulier.
Par un chauffage particulier à 55°, il est possible de mettre les vins à l'abri
des maladies. Cette méthode, appliquée à tous les liquides altérables, est
connue dans le monde entier sous le nom de 'Pasteurisation'.
- La bière
Les altérations de la bière sont produites par des micro-organismes apportés par les poussières de l'air. Pasteur enseigne aux brasseurs à préserver les moûts des souillures et à chauffer la bière à 55° pour prévenir les maladies
- Maladies des vers à soie
En 1865, la sériciculture, non seulement en France mais
aussi en Italie, en Autriche, en Asie Mineure, est minée par une maladie : la
pébrine.
Pasteur constate au microscope que les vers atteints de cette maladie ont des
corpuscules brillants et que ces corpuscules sont responsables de la maladie.
Il montre que la maladie est héréditaire, qu'elle est contagieuse.
Il découvre une autre maladie, la flacherie, qui met en évidence la notion de
'terrain' particulier pour que la maladie se déclare.
Il triomphe de la maladie pratiquement par l'invention du grainage cellulaire.
Les travaux de Pasteur ont un intérêt considérable : pour la première fois,
sont résolus scientifiquement les problèmes de l'hérédité et de la contagion,
et établies des règles de prophylaxie. C'est une préface à ses études sur les
maladies contagieuses et à la théorie des germes.
De 55 à 65 ans, Pasteur met la microbiologie au service de la médecine et de la chirurgie.
1880-1885
: la rage
Pasteur est en pleine possession de sa méthode expérimentale. Il étudie la rage. Il veut isoler le germe mais ne le trouve pas. La rage est une maladie du système nerveux. Il cultive un 'micro-organisme' invisible sur une moëlle de lapin et en fixe la virulence.
Il applique à l'homme la méthode d'atténuation des moëlles virulentes, le 6 juillet 1885, à Joseph Meister.
L'histoire de l'Institut Pasteur
L'Institut
Pasteur, fondé par décret du 4 juin 1887, est inauguré le 14 novembre 1888. Il
a été créé grace au succès d'une souscription internationale, pour permettre à
Louis Pasteur d'étendre la vaccination contre la rage, de développer l'étude
des maladies infectieuses et de diffuser les connaissances. Très rapidement des
pasteuriens vont essaimer à travers le monde, pour diffuser la vaccination
contre la rage mais aussi la sérothérapie antidiphtérique, la vaccination
contre la variole selon le principe de Jenner, et pour étudier les caractères
particuliers de maladies exotiques et les soigner.
C'est une fondation privée, à but non lucratif, reconnue d'utilité publique.
Dès la
création de son institut, Pasteur réunit des scientifiques d'horizons divers.
Les 5 premiers services ont alors à leur tête deux normaliens : Emile Duclaux
(Microbie générale) et Charles Chamberland (Microbie appliquée à l'hygiène) ;
un biologiste, Elie Metchnikoff (Microbie morphologique) ; et deux médecins,
Joseph Grancher (Rage) et Emile Roux (Microbie technique).
Un an après l'inauguration de l'Institut Pasteur, Roux mettra en place le
premier enseignement de microbiologie jamais dispensé au monde, intitulé alors
' Cours de Microbie technique '.
Très
rapidement, des chercheurs vont essaimer à travers le monde, pour appliquer et
transmettre la ' méthode pasteurienne ' et pour étudier les
caractères particuliers de maladies exotiques.
Ainsi, parallèlement à l'essor de l'Institut Pasteur, se constituera le Réseau
international des Instituts Pasteur et Instituts associés qui compte
aujourd'hui quelque 20 établissements implantés sur les cinq continents.
L'Institut Pasteur fut l'un des berceaux de la Microbiologie, de l'Immunologie et de la Biologie moléculaire.
Depuis
l'origine, les Pasteuriens ont apporté des contributions majeures dans les
connaissances sur les structures et les fonctions du vivant, sur les agents
infectieux et les maladies qu'ils provoquent.
Leurs apports concerneront notamment la rage, la peste, la diphtérie, le
tétanos, le typhus, la fièvre jaune, la tuberculose, la poliomyélite, ou encore
l'hépatite B et le Sida.
Des chercheurs s'illustreront par la découverte des anatoxines, du BCG, des
sulfamides, des anti-histaminiques. D'autres joueront un rôle fondamental dans
la naissance de la biologie moléculaire ainsi que dans celle du génie
génétique.
Huit Prix Nobel ont été décernés à des Pasteuriens depuis 1900 :
Alphonse LAVERAN (1907) - ' Pour ses travaux sur le rôle des protozoaires comme agents de maladies ' (il découvrit notamment l'hématozoaire du paludisme)
Elie METCHNIKOFF (1908) - ' Pour ses travaux sur l'immunité ' (découverte des phagocytes et de la phagocytose, en 1883, et de l'immunité cellulaire)
Jules BORDET (1919) - ' Pour ses découvertes concernant l'immunité ' (mise en évidence du rôle des anticorps et du complément)
Charles NICOLLE (1928) - 'Pour ses travaux sur le typhus ' (notamment la découverte du rôle du pou dans la transmission de l'infection)
Daniel BOVET (1957) - ' Pour ses découvertes sur les produits de synthèse qui inhibent l'action de certaines substances de l'organisme et plus spécialement leur action sur le système vasculaire et les muscles du squelette ' (découvertes sur les antihistaminiques et les curarisants de synthèse)
André LWOFF, François JACOB, Jacques MONOD (1965) - ' Pour leurs découvertes sur la régulation génétique de la synthèse des enzymes et des virus '
Mise au point du vaccin contre la
rage |
Louis
Pasteur |
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Mise en évidence du mode d'action du bacille diphtérique |
Emile Roux et Alexandre Yersin |
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Mise au point du traitement de la diphtérie par la sérothérapie |
Emile Roux, Louis Martin et Auguste Chaillou |
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Démonstration
que la poliomyélite est due à un virus filtrable. |
Constantin Levaditi et Karl Landsteiner |
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Découverte de l'action anti-infectieuse des sulfamides |
Jacques et Thérèse Tréfouël, Frédérico Nitti, |
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Travaux sur les processus de régulation de la biosynthèse ou de l'activité des enzymes, sur les mécanismes de la biosynthèse des protéines |
Jacques Monod, François Jacob |
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Isolement du premier récepteur à un neurotransmetteur, le récepteur de l'acétylcholine. (L'acétylcholine est un messager chimique qui assure la transmission du signal nerveux entre cellules nerveuses dans le cerveau et entre cellule nerveuse et fibre musculaire). |
Jean-Pierre Changeux |
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Première caractérisation clinique d'une forme de surdité génétique, en relation avec des mutations dans le gène DFNBI, ouvrant des possibilités de diagnostic moléculaire des surdités. |
Christine Petit et coll. |
avril 1999 |
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